En 1932, l'écrivain Howard P. Lovecraft se rend dans un monastère pour consulter un des rares exemplaires du Necronomicon. Le film raconte trois histoires qu'il y découvre...
En même temps que Le retour des morts-vivants 3 (1993), Brian Yuzna (Re-animator II (1990), producteur de From beyond (1987)...) s'est occupé d'une nouvelle adaptation cinématographique des écrits de Lovecraft avec ce Necronomicon. Monté avec des fonds américains, japonais et français, il présente trois sketchs différents reliés par une histoire mettant en scène Lovecraft lui-même, interprété par Jeffrey Combs (Re-animator (1985)...) : ces séquences sympathiques, réalisées par Yuzna, sont dans un esprit très proche des aventures d'Indiana Jones. Necronomicon aurait du avoir une séquelle en cas de succès : mais les recettes furent décevantes. D'autres réalisateurs, et non des moindres, ont néanmoins été approchés pour ces projets : Dario Argento (Suspiria (1977)...), Michele Soavi (The sect (1990)...), Shinya Tsukamoto (Tetsuo (1988)...)...
The drowned, censé être une adaptation de Les rats dans les murs, s'éloigne beaucoup du texte en question. Certes, on y retrouve la malédiction familiale et les passages secrets, mais l'action se situe sur une côte de Nouvelle-Angleterre, et on y croise aussi bien un profond (très réussi) que Cthulhu en personne (plus discutable). Dans cette histoire, Gans incorpore un flash back se déroulant au XIXème siècle et baigne l'ensemble de ce moyen-métrage dans une atmosphère gothique qui doit beaucoup à l'américain Roger Corman (La chute de la maison Usher (1960), La malédiction d'Arkham (1963)...) et à l'italien Mario Bava (Le masque du démon (1960), Lisa et le diable (1974)...). On y voit donc un manoir en ruine, de belles revenantes au tain de cendres, de poussiéreux portraits de famille cachant de lourds secrets, une pathétique passion nécrophile, des éclairages colorés... Mais Gans fait aussi quelques clins d'oeil à des auteurs plus récents, comme Argento (avec le sous-terrain mouvant d'Inferno (1980)...) ou Carpenter (les spectres marins aux yeux luisants évoquent aussi bien Fog (1980) que les trucages des films de fantômes asiatiques...). Gans avouait aussi s'être beaucoup inspiré de la vague des films de fantômes japonais des années 60 (Kwaidan (1964) de Masaki, Histoire de fantômes japonais (1959) de Nobuo Nakagawa...). Mais, un peu comme dans Le pacte des loups, on regrette que cet enchaînement démonstratif de références laisse peu de place pour la structure d'un récit et pour l'installation d'une ambiance homogène. On a plus l'impression de voir une bande-annonce qu'un véritable film. Toutefois, le style de Gans ne manque pas de panache, et cet épisode se suit avec intérêt.
The cold est une adaptation de la nouvelle Air froid par le japonais Kazunori Itô, célèbre ces derniers temps pour avoir orchestrer le renouveau du film de grands monstres au Japon (avec une série de trois aventures de la tortue géante Gamera, réalisées entre 1995 et 1999). On retrouve dans cet épisode David Warner, un acteur apparaissant dans de nombreuses œuvres à caractère lovecraftien (Providence (1977) d'Alain Resnais, Détective Philippe Lovecraft (1991)...).
Ce sketch n'est vraiment pas une réussite. Bien que le récit de la nouvelle soit relativement fidèlement restitué, la réalisation souffre d'une banalité consternante, et l'ensemble évoque un très médiocre épisode de séries TV comme Les contes de la crypte ou La quatrième dimension. Il faut aussi reconnaître que la nouvelle en question n'est pas la plus réussie de l'oeuvre de Lovecraft. Malgré une interprétation correcte et quelques effets spéciaux spectaculaires, Air froid est donc plutôt décevant.
Enfin, Whispers de Brain Yuzna se veut une adaptation de la fameuse nouvelle Celui qui chuchotait dans les ténèbres, bien connu pour sa présentation très complète des fungis de Yuggoth. Ici, le récit est placé dans la ville de Philadelphie, dans laquelle sévit le Boucher, un redoutable serial-killer. En cherchant à le traquer, une jeune agent de police enceinte (mais désirant avorter), va découvrir un terrible repaire de mi-gos. On retrouve des choses assez fidèles à Lovecraft : les extra-terrestres séparent les cerveaux actifs des humains de leurs corps pour les préserver dans un fluide ; leur étonnante méthode de camouflage... Pourtant, les mi-gos ne sont pas ici intéressés par des minerais terriens: ils cherchent de la chair humaine pour s'en nourrir. On regrette pourtant que l'apparence des extra-terrestres ne soient que moyennement réussie. Pourtant, Yuzna, grâce à une excellente réalisation et à un recours à une horreur sans concession, propose un conte à la démence grotesque et cauchemardesque qui rappelle la grande réussite de From beyond. Ce très bon segment est le plus réussi de Necronomicon.
Comme la plupart des films à sketch, Necronomicon souffre de certaines inégalités. Toutefois, The drowned est plutôt intéressant et Whispers est une des adaptations cinématographiques les plus réussies de Lovecraft.